Chroniques - Chapitre X

Publié le par Dimitri EVSTRATOV

Édition du British Citizen du 12/10/2011 : «

CRIME A SHEFFIELD : DU CENT POUR ''SANG'' HORRIBLE !

Habitants de Sheffield, tenez-vous bien ! Il y a deux jours, le vendredi 10 octobre, alors que la plupart d'entre vous se reposaient devant le téléviseur ou se remplissaient le ventre de bière, la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul fut le théâtre d'un tragique événement : alors que le Père Francis, responsable de la bâtisse, achevait sa journée de travail, il découvrit que l'eau de son bénitier était diluée avec... du sang ! Oui, oui, vous avez bien lu, du sang. Mais ce n'est pas tout, de ce même bénitier fut extirpée une chevalière en or, qui roupillait sur le fond du vase comme l'anneau Unique de Sauron roupillait dans LA vase ! Les forces de l'ordre de la ville ont tout de suite réagi en précipitant un de leur agents sur les lieux : l'inspecteur Maxwell Warwick Pickleborrow, épaulé par l'équipe de l'officier Joseph Harly. Après une journée de recherches intensives, et j'aimerais souligner le mot ''intensives'', l'équipe de policiers mit à jour une macabre trouvaille : une poignée de dents humaines avait été glissée dans un des troncs, sensé recueillir les pièces des fidèles. Les précieux indices ont été recueillis par les agents de la paix et sont en ce moment en route pour le laboratoire. Devons nous, citoyens, craindre le pire ? Il y aurait-il un meurtrier psychopathe parmi nous ? Peut être mais quoi qu'il en soit si vous êtes en possession d'informations qui pourraient aider à faire avancer l'enquête, n'hésitez pas à contacter les employés du commissariat et leur dire ce que vous savez. En ce moment, pendant que vous lisez ces quelques lignes, l'équipe chevronnée est déjà de nouveau sur les lieux, scrutant la moindre parcelle de trottoir, la moindre faille dans un mur et la moindre poussière dans un coin. Continuez à suivre l'affaire en lisant le British Citizen, chaque jour devant votre café et votre beignet et rendez-vous bientôt pour de nouvelles précisions !

R. »

Deux photographies accompagnaient ce court article, une représentant un bénitier rempli d'un mélange sombre et l'autre capturant quatre tirelires dotées d'une croix, dont deux étaient cachées par ce qui semblait être le ventre à bière de l'agent Brownley. Enfin, au bout de plusieurs années, un des articles de Roland faisait la une du Brit' Cit', et pas n'importe lequel !

Ce n'était pas devant un café et un beignet mais devant un jus de pomme et un scone aux raisins secs qu'Amelia achevait de se réveiller en parcourant la une des yeux. Elle sembla tout à coup préoccupée, avala en vitesse son petit déjeuner, paya l'addition en laissant un pourboire peu généreux, attrapa son smartphone à coque grise et sortit du café d'un pas pressé. Elle commençait à écrire un message quand son épaule heurta une surface relativement ferme. Son portable lui échappa des mains et elle le suivit du regard, l'imaginant se fracasser contre les dalles et prévoyant déjà la petite fortune que lui vaudra la réparation de l'écran, lorsqu'elle vit une main se positionner juste sous le téléphone avec une vitesse impressionnante. Ses yeux remontèrent le long du bras sauveur pendant qu'une voix profonde et calme prononçait : « Oh, excusez-moi, mademoiselle, je suis extrêmement maladroit et... ». La voix s'arrêta quand le visage d'Amelia fit face à son interlocuteur.
La jeune femme avait devant elle un homme d'assez grande taille avec des yeux marron-foncé. Elle remit en place sa mèche de cheveux et dit : « Non, non, je vous en prie, c'est moi qui aurais dû faire plus attention, je ne regardais pas devant moi. Merci pour le téléphone en tout cas ! ». Elle fut surprise par l'expression faciale de l'homme qui lui avait parlé, la dévisageant comme si il avait vu un revenant. Elle attrapa son smartphone mais sentit une résistance, comme si il avait été collé aux phalanges du curieux personnage. Au bout de quelques seconde, l'inconnu lâcha prise, toujours sans avoir prononcé un mot. En s'éloignant, Amelia lança un dernier regard en arrière : son curieux étranger en redingote noire la fixait toujours d'un air perdu, se frottant lentement l'annulaire droit

Sur son trajet, la jeune femme repensait à son héroïque sauveur de téléphone (elle était très attachée à son iPhone). Elle se rappelait de ses yeux expressifs marrons, ses longs cheveux bruns dissimulant sa nuque et ses oreilles, sa longue redingote noire de bonne couture descendant jusque sous les genoux, ses chaussures noires cirées et son parapluie pendu à son avant-bras, bien qu'il ne pleuvait pas ce jour-là... Amelia traversait les rues et les ruelles de Sheffield, jusqu'à ce qu'elle arriva devant un petit immeuble en briques rouges muni d'une porte blanche avec un tympan en triangle. Elle appuya alors sur le bouton qui se trouvait en face d'une étiquette indiquant ''Flat n°3'', soigneusement glissée derrière un petit cache en plexiglas. Une sonnerie étouffée reprenant la mélodie mécanique de Big Ben se faufila d'une fenêtre ouverte. Après quelques secondes d'attente, un bruit désagréable semblable à un bourdonnement de frelon indiqua l'ouverture de la porte. La jeune femme la poussa avec le coude, tenant toujours son téléphone dans la main, et entra.
Bien que la façade de l'immeuble paraissait quelque peu vétuste, l'intérieur était plutôt neuf et propre, avec un petit ascenseur pour deux personnes tout au plus présentant un total de trois poussoirs, menant chacun à un étage différent. Le dernier bouton était muni d'une petite serrure. Amelia sortit alors de son sac en daim une clé ne dépassant guère la première phalange de l'index et la tourna dans le poussoir. Ce-dernier s'alluma aussitôt et l'ascenseur démarra en silence, remontant doucement les câbles. Il s'immobilisa lorsque le petit écran mural afficha le chiffre ''3''.
Les portes coulissantes s'écartèrent et la demoiselle fut accueillie par un vieil homme en élégant peignoir vert arborant un grand sourire : « Bonjour, Amel', t'as fait bonne route, ma chère nièce ? », prononça le Père Francis.

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